Témoignage de Dorothée, graphothérapeute.
Les pochoirs de dessin griffographes sont aujourd'hui plébiscités par de nombreux professionnels de l'enfance pour soigner certains troubles. Nous avons rencontré certains d'entre eux pour qu'ils nous expliquent leur expérience avec les griffos. C'était très enrichissant, car en les créant, j'étais loin de m'imaginer tous leurs bienfaits !
Voici le premier partage d'expérience que nous vous proposons, avec Dorothée Sourisseau, graphothérapeute, mais pas que ! Dorothée a créé l'Atelier des Mots, à côté de Tours en Indre et Loire, pour "accompagner la libération et le mieux-être grâce à l'art-thérapie, à la graphothérapie et à l'hypnose".
Qui accompagnez-vous et pourquoi ?
Pour la graphothérapie, je reçois davantage d'enfants que d'adultes, mais c'est en train d'évoluer. Je suis un peu le pendant écrit de l'orthophoniste pour le langage écrit, dans son aspect graphique. J'accompagne les enfants qui ont des soucis de tracés simples ou de formes géométriques, des difficultés d'écriture, qui tiennent mal leur stylo, qui ont des soucis de lenteur, qui ont mal quand ils écrivent ou des difficultés à lire ce qu'ils ont écrit, etc.
Comment se déroule une séance ?
Pendant le premier entretien avec l'enfant, je fais un bilan graphomoteur, avec plein de tests de motricité générale, de motricité fine, d'écriture et même de dessin car je suis interprète des dessins de l’enfant et de l’adolescent. Cette évaluation permet de diagnostiquer la dysgraphie et ensuite de mettre en place un suivi avec une remédiation, et éventuellement une adaptation de la scolarité des enfants, avec des aménagements pédagogiques par exemple.
Après l'état des lieux de départ, on va faire de la rééducation, pour retravailler les différents éléments « parasites » vus pendant le bilan. Tout ça est aussi beaucoup lié à la confiance en soi : mon travail n'est pas seulement d'apprendre à écrire à un enfant. La graphothérapie, c'est un suivi thérapeutique et de rééducation.
Comment avez-vous découvert les griffographes ?
Sur Instagram ! J'ai toujours été fana des beaux crayons et des beaux papiers, j'adore ça ! Et finalement c'est très en lien avec mon métier ! Les griffographes, j'ai tout de suite trouvé que les dessins étaient chouettes, les couleurs aussi. Je les ai achetés et on les a testés avec mes 3 enfants d'abord (ils font souvent les cobayes !). Ensuite, je les ai apportés à mes patients, pour travailler différents sujets avec eux. C'est plus sympa qu'un pochoir classique où la forme est déjà faite et avec lequel il n'y a rien d'autre à faire.
En quoi les pochoirs vous aident dans la rééducation ?
On aborde plein de thématiques qui sont importantes en rééducation :
- le balayage visuel et la discrimination : dans les troubles dys, il y a souvent un problème de repérage spatial donc il faut le travailler avec l'enfant. Par exemple, dans les livrets, ils doivent retrouver les bonnes formes dans les pochoirs.
- la motricité des doigts et de la main : il faut avoir suffisamment de force pour d'un côté tenir le pochoir et de l'autre tenir le crayon. On vient donc travailler la force et la musculation des doigts.
- la pression graphique : avec les griffographes, il doit trouver la bonne pression pour ne pas casser la mine du crayon. Je mets volontairement des mines fines pour la précision et cela les oblige à travailler la maîtrise de la pression. L’enfant va également pouvoir s'entraîner avec les dégradés et travailler le "j"appuie, je relâche". On va donc corriger la pression que l’on dit « déplacée » ou bien « en sillon », qui intervient quand on ne respecte pas la différence de pression entre les pleins (tracé le plus épais, sur les traits descendants) et les déliés (traits les plus fins sur les traits ascendants et horizontaux). Il expérimente lui-même cette notion de pression et de relâchement, en s’amusant.
- la structuration et les repères spatiaux : l’enfant doit chercher les formes sur les pochoirs et les retourner. Cela l’aide à travailler la pensée logique et déductive mais aussi la temporalité (que dois-je faire en 1er puis en 2e ?).
- le schéma corporel sur les personnages : avec les pochoirs personnages, il doit retrouver les différents éléments du corps et les placer aux bons endroits, tout en bougeant le pochoir. Il arrive bien souvent que ce schéma corporel ne soit pas bien acquis. Les personnages sont alors déstructurés, les membres sont décalés, etc.
- la structuration de la pensée et la traduction en mots : à partir d'un dessin, un personnage par exemple, on travaille avec l'enfant l'expression orale et la créativité : comment ce personnage s'appelle, est-ce qu'il a un super pouvoir, quelle est son histoire… On travaille l'écrit ensuite en écrivant la fiche d'identité du personnage inventé. Il peut aussi s’identifier au personnage et s’attribuer les qualités ou les forces dont il a envie ou besoin, ce qui aide le travail thérapeutique.
- l'imagination : quand on travaille sans pas-à-pas, l'enfant va devoir faire appel à son imagination pour inventer un personnage, un animal ou un environnement. Il faut trouver la bonne forme qui correspond à son idée.
- l'observation : il peut aussi reprendre un de ses héros préférés et essayer de le dessiner avec les griffographes. Ça demande beaucoup d'observation, pour trouver les bons éléments, comme les cheveux, la forme du visage, etc., puis les positionner.
- la tenue du crayon en partie : même si on est plutôt sur une position verticale, ça permet de travailler le geste de la pince (pouce en opposition à l’index, le majeur soutenant bien le crayon
Au-delà de ces aspects "techniques", avez-vous remarqué d’autres bénéfices ?
Oui ! De manière un peu plus lointaine, on travaille le "no mistake" : certains enfants se mettent beaucoup de pression et manquent de confiance en eux. S'ils ratent quelque chose selon eux, c'est la catastrophe et ils ont l'impression d'être nuls. Donc là on essaie de faire de la "récupération d'erreurs" (un peu comme dans la philosophie zentangle et zen art). Si je rate, qu'est-ce que je fais avec ? C'est un peu une métaphore de la vie : s'il m'arrive ça alors que je ne l'ai pas prévu et que ça ne m'arrange pas, qu'est-ce que je fais ?
"Je pensais que je n'en étais pas capable et, en fait, j'ai réussi" ! Ça donne des ailes ensuite pour tous les autres sujets au quotidien, à l'école, mais aussi dans sa vie perso…
Est-ce que les enfants aiment utiliser les griffographes ?
Oui, car les griffographes, c'est beaucoup d'amusement, de partage et de créativité. C'est une grande source d'échanges aussi et de confiance en soi.
Un de mes patients était assez déçu de lui après un premier dessin de Sangoku dont il est fan mais qui ne le satisfaisait pas. Il a continué à la séance suivante et a réussi à faire ce qu'il voulait, rattraper le 1er dessin, bien colorier et il a été hyper content. Ça paraît insignifiant car c'est un seul dessin, mais à l’image de tout ce qu'on fait, on ressort en se disant : "Je pensais que je n'en étais pas capable et, en fait, j'ai réussi" ! Ça donne des ailes ensuite pour tous les autres sujets au quotidien, à l'école, mais aussi dans sa vie perso…
Une question pour nous : quels sont les thèmes que vous aimeriez avoir en griffographe ?
Mes patients (et moi !) aimerions beaucoup avoir des pochoirs pour réaliser des voitures et des modes de transport (vaisseaux et compagnie !), des maisons et châteaux, dessiner des univers fantastiques, avec des super héros et des fées et aussi de quoi faire du doodling pour décorer un bullet journal (l'univers autour du doodling « sacré » par exemple me plaît bien).
Un dernier petit partage ?
Je vous invite à découvrir les merveilleuses vidéos de La maison Buissonnière sur YouTube, et de regarder la série sur le dessin et son sens pour la construction d’un enfant. C’est fabuleux !
Merci beaucoup Dorothée pour votre partage ! ⚡
Nous sommes vraiment ravies de savoir que les griffographes sont aussi utiles, au-delà de l’aspect ludique et créatif. 🌈